Plaidoyer pour une politique adogmatique de la santé mentale

de n’accorder – en Belgique – le titre de psychothérapeute qu’aux professionnels disposant d’un titre universitaire en psychologie (licence/master) ou psychiatrie (PhD) et ayant complété ce cursus par une formation reconnue en psychothérapie d’au minimum 3 ans. Toute autre formation initiale et/ou complémentaire ne doit ouvrir l’accès au titre de psychothérapeute« . Je suis étonné qu’ils ne demandent pas de limiter cela aux psychologues clinicien car il y a aussi des demandes allant dans ce sens (sinon, à quoi cela servirait-il de faire psychologie clinique? Etudier la psychologie d’entreprise nous forme nécessairement autant à la pratique de la psychothérapie que l’étude des psychopathologies, cela semble évident :o/ ). Analysons cette demande: Le titre de psychothérapeute ne devrait être décerné qu’aux psychologues et aux psychiatres (Les psychiatres s’en moquent, ils sont médecins, reconnus et largement remboursés, cela n’intéresse donc que des psychologues mais mentionner les psychiatres est probablement politiquement plus correct). Donc, en gros, il faut être psychologues (des organisations, psychologue social, neuropsychologue ou psychologue clinicien, vu que tout semble se valoir) pour être psychothérapeute. Soit! Quand on voit la diversité du programme de cours des psychologues cliniciens par rapport aux psychologues industriel, on peut néanmoins se demander en quoi un philosophe des sciences ou un medecin généraliste peuvent etre handicapes au point de ne pas pouvoir exercer le noble art de la psychothérapie? Quel cours peuvent donc bien lui manquer qu’on ne puisse rattraper après? cela suppose donc aussi que toutes les autres catégories de personnes qui exercent actuellement l’art de la thérapie ne sont pas aptes à exercer. Mais sur quoi se base cette prémisse? Peu d’études ont été réalisée sur le sujet et les résultats de celles que j’ai lues n’étaient pas franchement très significatifs, sans parler de certains biais méthodologiques. En gros, les résultats semblent identiques, les psychologues et les psychiatres feraient moins empirer la situation quand elle ne s’améliore pas. Mais passons sur ce point de détail comme certains aimeront l’appeler. En plus du diplôme universitaire en psychologie, le psychothérapeute doit avoir suivi une formation reconnue (par qui, sur base de quels critères? Mystère!) de 3 ans minimum. On suppose donc que c’est la durée minimale nécessaire pour être apte. Là aussi, aucun fait ne vient valider cette demande si ce n’est que la majorité des formations plébiscitée pas les universités et les associations professionnelles de psychologues et psychothérapeutes durent trois ans (avec un nombre d’heures de pratique variable et des enseignements tout aussi variables). Cela correspond aussi aux critères de l’association européenne de psychothérapie mais qui n’a pas été retenu par la France qui est le seul pays à avoir légiférer en la matière en Europe. Notez au passage qu’il y a un véritable microcosme économique qui gravite autour de cette problématique des formations. En effet, elle donnent du travail et une certaine notoriété à un certains nombres de membres de ces associations qui peuvent agir comme référents ou superviseurs, nouvelle version d’une pratique pyramidale qui est assez mal vue dans d’autres contextes. Ne vous méprenez, je ne dis pas que la supervision est inutile ni que ces personnes sont incompétentes, loin de moi cette idée, c’est juste que l’organisation de cette pratique dans un cadre aussi strict et favorisant certaines personnes me semble discutable. D’autant plus que je n’ai pas encore lu d’études sur les effets de la supervision sur la compétence ou l’efficience du thérapeute ni même de comparaison entre supervision et intervision ou encore moins sur les qualités nécessaires a un superviseur pour être « efficient ». Notez aussi que certaines de ces formations reconnues (certaines se targuent de l’être, on ne sait toujours pas par qui ni comment mais un lobby est déjà clairement bien en place) enseignent des pratiques thérapeutiques qui sont parfois discutables voire clairement identifiées comme des pratiques sectaires (mais c’est clairement un autre débat, bien que connexe à celui-ci). Ce qui me dérange encore plus, c’est que ces formations « reconnues » sont toutes orientées selon une des quatre « principales » orientation thérapeutiques (Psychanalytique/psychodynamique, systémique, cognitivo-comportementaliste et phénoménologique/centrée sur la personne) alors que les études sur l’efficacité des thérapies semblent indiquer clairement qu’un mélange de ces approches est préférable et que surtout, le modèle thérapeutique ne serait responsable que de 10 à 15% de l’effet de la psychothérapie. Les 85 à 90% de l’efficacité étant imputable à la qualité de la relation entre le patient et le thérapeute ainsi qu’aux attentes du patient, à son environnement, etc. Hors, la qualité de la relation dépend de nombreux paramètres dont la capacité du thérapeute à être présent dans la relation, à écouter, etc. Ce sont des qualités qui sont développées aussi lors des formations en psychothérapie mais qui n’en sont pas, en général, l’une des composantes principales. Est-ce que ces qualités ne peuvent pas être présente chez un médecin généraliste, un(e) infirmier(ère), un assistant social, un assistant en psychologie ou un philosophe? De plus, certains modèles psychothérapeutiques dont l’efficacité est validée empiriquement (je pense à l’ACT notamment) semble être facilement « utilisable » par le commun des mortels et ne pas nécessiter que le thérapeute ai suivi 7 ans d’études pour fonctionner. Je pense aussi aux thérapies basée sur la pleine conscience, dont l’efficacité est aussi largement validée empiriquement, et qui demandent plus un travail sur soi-même et une pratique régulière du patient et du thérapeute qu’une longue formation formelle. Et quid de l’hypnose et des thérapies brèves (qui ne rentrent pas dans les 4 orientations principales). Et re-quid de ces psychologues cliniciens et psychanalystes qui pratique la psychanalyse avec des enfants autistes alors que ce n’est clairement pas le choix le plus approprié? Et quid des « experts » en psychiatrie et en psychologie qui n’arrivent pas à se mettre d’accord et qui nous rappellent que la psychologie n’est pas une science exacte et qu’il n’y a pas vraiment un consensus sur la notions même de psychopathologie, de maladie mentale et donc, de là, de santé mentale. Et qu’en est-il de ces psychologues formés dans les écoles reconnues mais qui pratiquent aussi des approches épinglées comme sectaires ou tout au moins, non conventionnelles? Et qu’en est-il de l’ethnopsychiatrie ou de l’ethnopsychologie qui ne rentrent pas dans ces moules mais qui sont pourtant tout aussi efficaces? Je n’ai pas l’impression que le débat est juste. Comme je l’ai déjà écrit à maintes reprises, il faudrait inclure des philosophes, des scientifiques « dur » qui nous rappelleraient que ce sur quoi nous travaillons en psychologie ne sont pas des mesures mais bien des indicateurs (la plupart du temps du moins, mais là aussi, c’est un autre débat), des sociologues et des ethnologues. Il me semble que ce qui se profile à l’horizon ne va pas mieux protéger le patient mais juste s’attaquer à un problème économique. Donc, non, je ne signerai pas la pétition qui formule des exigences non fondées même si elle me protégerait éventuellement d’une concurrence forte des psychothérapeutes non-psychologue et non-formés, simplement parce que ce n’est pas juste.]]>

Publié par Emmanuel Nicaise

Master en psychologie clinique et psychopathologie de l'Université Libre de Bruxelles (ULB). Psychologue clinicien agréé par l'INAMI et la commission des psychologues. Psychothérapie brève et thérapies cognitivo-comportementales. Travaille avec enfants, adolescents et adultes. Doctorant en psychologie à l'ULB. Sujets d'intérêts: psychologie de la cyber sécurité, vigilance, confiance, haut-potentiel intellectuel, influence des nouvelles technologies sur le développement des enfants, psychologie des émotions, psychologie du risque.

Laisser un commentaire